L'artiste et la mort - George Harrison (3/4)
- Pierre-Edouard Grego
- 2 juin 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 juil. 2023
Après avoir parlé de David Bowie et de Johnny Cash, voici le troisième article sur l'artiste et la mort.

George Harrison, le plus altruiste
George Harrison, le guitariste des Beatles et compositeur notamment d'Here Comes the Sun, est décédé le 29 novembre 2001 d’un cancer du poumon. Pour comprendre l’homme, sa mort mais aussi l’album dont nous allons parler, il est important de décrire un peu ce qui entoure son décès.
En 1997, l’ancien Beatles est atteint d’un cancer de la gorge pour lequel il est rapidement guéri. En 1999, il est victime d’une tentative d’assassinat : un homme entra dans sa demeure et le poignarda d’une quarantaine de coup de couteaux, dont un qui lui perfora le poumon. Cet événement changea totalement ses perspectives d’avenir.
Profondément croyant à l’hindouisme, George Harrison fut en colère, quand vingt ans auparavant, son ami John Lennon mourut sans qu’il ait pu se préparer à l’après-mort. En étant assassiné, son âme n’a jamais pu se libérer et continue d’errer dans les limbes. Après la tentative d’assassinat que George Harrison venait de subir, il était impossible pour lui de rester là sans rien faire. Il devait donc se préparer à mourir.
En 2001, George Harrison est de nouveau atteint d’un cancer, cette fois-ci au poumon. Contrairement aux autres chanteurs de cet article, l’ancien Beatles fait le tour de sa vie et décide de ne plus se battre contre la maladie. Il considérait qu’il avait déjà suffisamment vécu de choses dans sa vie.
George Harrison s’attela à écrire un dernier album avant de partir. L’album dont je vais vous parler, Brainwashed, est la résultante de ces derniers travaux. C’est un disque posthume sorti quasiment un an après sa mort. Il est considéré par les critiques comme un de ses meilleurs albums.
De par son décès, qui résulte d’un choix religieux et de la volonté de ne plus se battre, l’album de George Harrison se démarque énormément des autres que ce soit par son thème et sa légèreté (bien sûr, toute proportion gardée). Pour l’artiste, la mort n’est pas la fin mais un nouveau commencement, et sa musique en est donc totalement imprégnée.
Brainwashed est l’occasion pour George Harrison de nous enseigner ses profondes convictions sur Dieu, la vie et l’amour.
Alors, quelles sont les dernières leçons de l’ancien Beatles ?
Pour George Harrison, le monde dans lequel il vit est dysfonctionnel. L’humain a perdu sa capacité de réflexion, d’empathie, et surtout d’amour. L'égoïsme les a remplacés pour se consommer à travers une hypocrisie et un matérialisme sans pareil. Avec son cynisme et l’humour qui le caractérisent, George Harrison n’hésite pas à pointer les défauts de notre société afin de mieux faire passer son message. La chanson-titre de l’album se présente d’ailleurs sous une liste exhaustive et non sans ironie
"They brainwashed my great uncle - Brainwashed my cousin Bob - They even got my grandma when she was working for the mob - Brainwash you while you're sleeping -While in your traffic jam - Brainwash you while you're weeping. Ils ont lavé le cerveau de mon grand oncle - Ils lavent le cerveau de mon cousin Bob - Ils ont même lavé le cerveau de ma grand-mère lorsqu’elle travaillait pour la mafia - Ils te lavent le cerveau quand tu dors - Pendant que t’es dans les embouteillages - Ils te lavent le cerveau quand tu pleures."
Il nous dresse aussi une liste exhaustive de toutes les personnes qui nous manipulent. Pour faire simple, ce sont toutes les personnes avec du pouvoir et ce peu importe la sphère. (financier, politique, etc.)
George Harrison n’hésite pas non plus à critiquer l’autoritarisme religieux catholique dans P2 Vatican Blues (Last Saturday Night). Selon lui, le dogme religieux est un fléau, car il détourne même de l’idée de religion au profit de l’argent.
Ce lavage de cerveau quotidien nous rend incapable de penser par nous-mêmes. Pour George Harrison, nous avons tous la solution sous nos yeux, mais nous sommes aveuglés. Comme dans Horse to the Water, l’auteur nous explique que notre peur du changement nous pousse à éviter les solutions et à nous complaire dans cet immobilisme.
“A friend of mine in so much misery - Some people sail through life, he is struggling - I said, "Hey man, let's go out and get some wisdom" - First he turned on me, then turned off his nervous system J’ai un ami qui est dans une telle souffrance - Certains traversent la vie, lui il galère - Je lui dis “Mec allons dehors et trouvons un peu de sagesse” - Puis il se tourna vers moi et éteignit son système nerveux."
Parce que ce chanteur a toujours été tourné vers les autres, l'album redonne de l’espoir aux gens. Il cherche à nous montrer des solutions pour que nous puissions en profiter dans nos vies.
Pour l’ancien Beatles, cette solution, c’est Dieu. C’est d’ailleurs par un mantra chanté à l’unisson avec son fils que l’album se termine. Ce dernier explique que nous pourrons trouver la paix en priant Shiva, déesse de la connaissance universelle. Nous revenons alors aux principes énoncés plus haut : c’est en acceptant d’ouvrir les yeux sur notre ignorance que notre vie débute.
"God God God - Nothing's worse than ignorance
Dieu Dieu Dieu - Rien de pire que l’ignorance"
Il perçoit le monde comme une allégorie de la caverne qui prend forme dans Rising Sun. Il y a d’un côté les gens bloqués dans l’ignorance et la méconnaissance, et ceux qui ont vu le soleil, capables de trouver un sens dans leur vie.
“Every word you've uttered and every thought you've had - Is all inside your file the good and the bad - But in the rising sun you can feel your life begin
Chaque mot que tu prononces et chaque pensée que tu as - Sont tous en toi le bon comme le mauvais - Mais face au soleil qui brille tu peux sentir ta vie commencer"
Si les Beatles avaient de nombreux sujets de discordes, ils avaient un terrain d’entente, un message qu’ils ont tous porté durant toute leur carrière : l’amour est la clé. On trouve ce message chez John Lennon (All You Need is Love, Real Love), Paul McCartney (The End, Silly Love Songs), ou Ringo Starr. La différence fondamentale est dans la façon dont ce message est porté.
Alors que John Lennon écrivait sur son ressenti, que Paul McCartney expérimentait, George Harrison était un croyant. Il cherchait sincèrement à nous donner ses plus intimes convictions. C’est pourquoi, en plus de nous donner des pistes tout au long de l’album, l’artiste donne des éléments concrets pour que l’auditeur puisse faire ses propres recherches.
Dans cette dernière chanson-titre, Brainwashed, l’auteur-compositeur fait lire le passage d’un livre de yoga qui nous mène directement au profond message d’amour qu’il souhaite nous partager. George Harrison va même jusqu’à nous donner le nom de la page et du livre.
“The soul does not love. It is love itself - It does not exist. It is existence itself - It does not know. It is knowledge itself
L’âme n’aime pas. Elle est l’amour. Elle n’existe pas. Elle est l’existence. Elle ne sait pas. Elle est la connaissance."
Cette citation de l’album qui provient des Yoga-Sutras de Patanjali nous apporte l'élément le plus central du dernier message de George Harrison. La véritable ignorance, c’est celle de ne pas se connaître et de ne pas reconnaître l’amour qui est en nous.
Contrairement aux deux premiers artistes cités, George Harrison, a fait de sa mort le moyen de partager ses vérités et son savoir, comme le croyant qu’il a toujours été.
Hâte de lire la suite !